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Date de création : 14.11.2012
Dernière mise à jour : 24.12.2015
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LA REINE NOIRE [épilogue]

Publié le 24/12/2015 à 11:18 par hijadelaluna

Epilogue : Le Couronnement de la Reine Noire.

 

 

Le lendemain même, la plus belle et importante de toutes les cérémonies du monde des ombres, un Couronnement de la Reine Noire, fut organisé en l'honneur de Gwenaëlle. J'ai d'ailleurs l'honneur d'être la première souveraine d'Eurêka à assister à cette cérémonie en tant que spectatrice d'honneur.

Habituellement, une reine la vie, mais n'assiste pas à celui de sa fille, car il a lieu après sa propre mort. Et ces cérémonies sont réservées aux femmes uniquement. Jamais un roi noir n'eut droit à ce spectacle d'une beauté à couper le souffle.

Mais aujourd'hui, c'est ma propre épouse qui est sacrée.

Depuis ce matin, très tôt, les préparatifs avancent à une vitesse folle, orchestré par une Evidora au bord de l'extase.

Comme aucune coutume ne décrit ce que dois faire une reine lors des préparations, j'ai laissé Gwenaëlle au bon soins de Kiss-ah et ma petite soeur.

En vérité, je me suis moi-même apprêtée au rôle que je souhaitais de tout cœur occupé et que j'aurai : harpiste cérémonial. Ce n'est pas le rôle le plus important, mais c'est celui qui m'a le plus marqué lors de mon propre couronnement, en plus d'être d'une grande beauté, et je veux être au plus près de la future souveraine pour voir le visage de ma douce quand elle sera officiellement Reine Noire !

Tout en attendant, sur le Roc des Serments, la plus haute colline du nord du pays et la plus proche des grandes villes, que les habitants viennent acclamer leur nouvelle souveraine, j'accorde avec soin ma harpe. Certes moins rudimentaire que celle en bois que j'ai laissé à Myrra, sur Daëlyssia, elle est bien plus complexe à manier et à ajuster.

Je crois bien que je préfère celles que je fabrique moi-même, en fait...

Quand enfin j'y parvins, trois bonnes centaines de spectateurs étaient agenouillés dans l'herbe sombre, attendant patiemment le commencement de la cérémonie qui n'aura lieu que dans un peu plus d'une heure. Tous savent à présent dans quelle circonstance la nouvelle reine sera sacrée, et tous semblent impatients de voir un nouveau type de règne gouverner sur leur pays.

Tous semblent m'être reconnaissant d'avoir encore embellit le monde des ombres avec ce nouveau culte.

Moi-même je suis très heureuse de ma place. La robe bleue sombre de la harpiste cérémonial me va à merveille, et laisser mes cheveux onduler librement au vent me fait un bien fou. Seul un serre-tête serti de rubis orne le sommet de mon crâne.

Quelques minutes plus tard, alors que le Roc est assaillit par plus de deux-milles personnes, tous arrivés en moins d'une demie-heure, je vois Kiss-ah qui arrive, Gwenaëlle à ses cotés. En robe noire de souveraine, lui tenant la main, les yeux fermés et avançant lentement, comme le veut la tradition.

Même comme cela, les paupières closes, elle semble tellement pleine d'assurance. Plusieurs fois pendant les préparatifs, elle m'a affirmée qu'elle n'y voyait pas si mal que ça, en fin de compte. Et je commence à la croire. Peut-être était-elle faite pour être Reine Noire après tout.

Je laisse mon sourire se dessiner délicatement sur mes lèvres, et au signale de la vieille Banshee, je commence à jouer tout en murmurant des mots sans traductions issus d'une langue plus vieille encore que les première reines de notre monde.

Nul ne bouge, nul n'émet un son, hormis moi. Un silence lourd s'abat sur la clameur qui résonnait quelque secondes auparavant en bas du promontoire en marbre.

Ce moment est le plus important pour bien des gens.

Gwenaëlle est agenouillé au centre d'un petit cercle gravé dans le minerai, les paupières clauses et apaisées. Elle ne craint rien, elle sait que je suis là...

Les conseillers et les prêtres arrivent ensuite. Toujours en silence pendant que je continue ma mélopée, et viennent se placer à quatre autour de la future reine. L'un porte le sceptre, un autre la couronne d'argent, un troisième la cape bleutée et incrustée de pierres d'un bleu intense, et le dernier le pendentif sacré des Reines Noires, représentant un ange.

Désormais, tout le monde attend la fin de ma partition, sans un mot, dans le plus profond respect et une grande admiration.

Quand mon jeu devient plus rapide et que ma voix fait silence, Gwenaëlle se lève, sous le regard brillant de la foule qui assiste, toujours agenouillé, à la cérémonie.

Deux par deux, les quatre symboles royaux lui sont donnés, et elle les reçoit sans ouvrir les yeux : ce n'est pas encore le moment.

Mon cœur se gonfle de bonheur quand je vois ma belle épouse se tenir fière et droite, sa splendide couronne sur le front, le sceptre argenté à la main et l'étincelant pendentif autour du cou.

Mon cœur s'emballe de plus belle et redouble d'intensité, car nous arrivons à la partie la plus émouvante et la plus belle de cette cérémonie. Trois violonistes aux instruments d'un noir nocturne et aux archets blancs, restés depuis le début parfaitement silencieux se mettent à jouer, d'abord si faiblement que les trois violons sont à peine aussi puissants que ma harpe seule.

Puis soudain, ils se mettent à jouer plus fort, c'est le moment que tous attendaient, et d'une seule âme, les millier de spectateurs se lèvent et commencent à murmurer en chœur les mêmes paroles sacrées que celles que je chantais seule au début, alors que les yeux magnifiques de la nouvelle Reine Noire s'ouvrent sur son royaume et son noble peuple.

Une profonde sérénité anime son regard sur les habitants qui l'acclament à leur façon, en bas. Elle tourne cependant son regard timidement vers moi, et je ne peux m'empêcher de lui sourire, tout en jouant la dernière partie de mon jeu : le plus puissant et le plus beau.

Le son de ma harpe est si net et si fort qu'il se distingue même par delà la belle musique des violons et les chants du chœur. La beauté d'Eurêka reconnait sa souveraine, désormais.

C'est officiel : dès à présent, Eurêka possède deux Reines Noires, régnant cote à cote. Et il en sera ainsi tant que les souveraines futures voudront, elles aussi, aimer selon la règle de Lesbiennes de la Lune.

Eurêka n'en sera à jamais que plus belle.